Nous n’y échappons pas ! Les langues évoluent et s’adaptent à leur époque, à leur société, et l’écriture inclusive alimente les débats d’aujourd’hui. Mais pourquoi en arrive-t-on là ? Le français est-il une langue sexiste ? Apprendre le français à notre époque est-il différent d’il y a quelques années ?

langue sexiste

Une langue sexiste, c’est quoi ?

Par définition, le sexisme est une attitude discriminatoire fondée sur le sexe opposé, plus particulièrement le sexe féminin. Qualifier une langue de « sexiste » signifie donc que son vocabulaire et sa syntaxe privilégient le genre masculin. Chez MosaLingua, nous sommes pour l’égalité des langues ! Nous restons donc neutres et ne prenons pas parti quant aux observations qui vont suivre. Étudier une langue en effet, c’est l’observer sous différents angles. C’est ce que nous allons faire dans cet article : observer, sans jugement.

La parité dans la langue française

Les règles de la langue française ont été établies il y a des siècles, à une époque bien différente de celle d’aujourd’hui. Le vocabulaire et la grammaire reflètent donc d’un passé linguistique qui, il faut l’admettre, n’a pas beaucoup changé. Bien qu’il ait évolué (on le voit avec l’apparition d’anglicismes, l’argot, la modernisation de la langue…), le français reste une langue qui ne change pas beaucoup, protégée par les puristes. La parité n’est donc pas l’atout principal de la langue française : le genre féminin est souvent oublié, voir dénigré.

Les professions

Le champ lexical des professions est bien connu pour ne pas mentionner le genre féminin. Marin, chauffeur, jardinier, routier, médecin… Voilà des noms de métier qui n’ont toujours pas d’équivalent féminin au 21e siècle. Difficile donc, pour les jeunes filles de s’identifier à ces postes. Les genres des métiers étaient pourtant jadis beaucoup plus variés. Jusqu’au 17e siècle, les femmes étaient autrices, professeuses ou encore philosophesses. Vous n’en avez jamais entendu parler ? C’est parce qu’à la création de l’Académie française en 1635, la règle du masculin qui l’emporte sur le féminin fait son apparition et supprime ces noms de métier.

La lutte pour la féminisation des noms de métiers a souvent été d’actualité au cours des dernières décennies, mais pas toujours prise au sérieux. La féminisation de nombreux métiers a été rejetée lors de diverses politiques linguistiques dans les années 80 et jusqu’à aujourd’hui. Ce n’est qu’en 2019 que l’Académie française se résout enfin à faire quelques changements et estime qu’il n’existe « aucun obstacle de principe » à la féminisation des métiers. Pour en savoir plus, consultez cet article du journal Le Monde.

Le masculin l’emporte sur le féminin

La grande règle que tous les écoliers français ont appris par coeur et qui restera gravée dans leur mémoire est : « Le masculin l’emporte sur le féminin ». Autrement dit, si le sujet d’une phrase est composé d’hommes et de femmes, ou même d’un homme et d’un groupe de femmes, il faudra accorder les éléments nécessaires au masculin. Vous l’aurez deviné, cette règle ne date pas d’hier. On trouve son empreinte en 1675 quand le grammairien Dominique Bouhours affirme que « Quand les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte ». Un siècle plus tard, son confrère Nicolas Beauzée ajoute que « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ». Le français, une langue sexiste ? À cette époque, difficile de le nier.

Les années ont passé et la règle est restée bien ancrée dans la grammaire française avec un léger éclaircissement : l’Académie française désigne le masculin comme genre non-marqué ou neutre. « Le neutre, en français, prend les formes du genre non marqué, c’est-à-dire du masculin. Les adjectifs qui se rapportent à cette locution sont donc au masculin ». Certains linguistes ne se laissent pas amadouer : le neutre n’existe pas en français, les noms sont masculins ou féminins…

Les expressions idiomatiques

Les expressions idiomatiques prennent aussi parfois parti et jouent en défaveur des femmes. Avez-vous déjà entendu les expressions suivantes ? Bien qu’elles existent et que certains les utilisent toujours, si vous êtes apprenant de langue, il vaut mieux ne pas les utiliser.

  • Femme au volant, mort au tournant !

Cette expression signifie que les femmes ne savent pas conduire et que si elles se trouvent derrière le volant, un danger mortel vous guette.

  • Être une femmelette

Ce sont les hommes entre eux qui utilisent cette expression pour dénigrer leur manque de virilité. Le suffixe -ette signifie « petit » et qualifie l’homme en question de « petite femme ».

  • Être un garçon manqué

Un garçon manqué est une fille qui a un comportement ou des caractéristiques typiques d’un garçon.

  • Une femme facile

Une femme ou une fille facile est connue pour avoir des relations intimes facilement, ce qui est mal vu. Cette expression est considérée comme sexiste car il n’en existe pas de version masculine. La réalisatrice Éléonore Pourriat joue d’ailleurs sur le sexisme de cette expression avec le titre de son film « Je ne suis pas un homme facile ». Cette comédie romantique traite parfaitement des relations hommes/femmes dans la société française d’aujourd’hui. Un bon film pour pratiquer votre français sur Netflix !

Quelles variantes la langue propose-t-elle ?

L’écriture inclusive

Vous avez certainement entendu parler de ce terme qui est dans le vif de l’actualité depuis quelque temps. Pour ceux qui ne sont pas sûrs de quoi il s’agit exactement, l’écriture inclusive consiste à inclure le féminin dans la langue française. Tous les points mentionnés plus haut, ne prenant pas le genre féminin en compte, sont remis en question. Les métiers deviennent féminins. « Le masculin l’emporte sur le féminin » n’existe plus. Certains enseignants refusent même de l’enseigner ! On oublie les expressions idiomatiques sur les femmes. Il ne suffit plus de rendre le français neutre, mais de montrer la présence des femmes dans la langue française. Le but est de favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes aussi bien dans la langue que dans la société.

Cette solution ne plaît pas à tout le monde. Nombreux sont ceux (et celles) qui trouvent que l’écriture inclusive modifie trop la langue et qu’elle la complique. L’Académie française va jusqu’à dire que ce procédé met notre langue en péril.

Il est vrai que l’écriture inclusive a gagné en popularité au cours des dernières années. Cependant, le concept n’est pas si nouveau que ça. Il existe depuis plus longtemps qu’on ne le croit, sans qu’on s’en rende compte. Regardez une carte d’identité française de plus près. Vous verrez que la partie « né(e) » représente le féminin grâce au « e » entre parenthèses, et ce, depuis 1995. C’est la même chose avec les offres d’emploi où l’on recherche « un chercheur/chercheuse » par exemple. Et n’est-ce pas le président De Gaulle dans les années 60 qui s’adressait aux Français ainsi : « Françaises, Français… » ?

Le point médian

Le point médian existe depuis bien longtemps lui aussi mais il s’est fait une nouvelle jeunesse au début des années 2010 en tant qu’outil pour illustrer l’écriture inclusive. Il s’agit d’un signe de ponctuation utilisé pour préciser le genre du mot afin de ne pas oublier que des femmes pourraient être incluses dans un terme généralisant. Au lieu de « Chers voisins », qui pourrait sous-entendre qu’on ne s’adresse qu’aux hommes, on utilisera les termes suivants : « Cher.e.s voisin.e.s, nous espérons que vous êtes satisfait.e.s du nouveau service de nettoyage ». On peut même trouver « Cher.ère.s voisin.e.s », ce qui alimente le débat : certains pensent que ce point médian rend les mots et les phrases illisibles. La lecture n’en est pas facilitée. Et vous ? Qu’en pensez-vous ? Peut-on catégoriser le français sans point médian de langue sexiste ?

L’accord de proximité

L’accord de proximité, comme son nom l’indique, consiste à accorder l’adjectif avec le nom qui est le plus proche dans la phrase. Par exemple, dans la phrase : « Les garçons et les filles sont sportives », l’adjectif est féminin/pluriel car « sportives » est plus proche du nom « filles » dans la phrase. Si l’on changeait l’ordre des mots, ça donnerait : « Les filles et les garçons sont sportifs ». Cette fois, l’adjectif plus proche du nom « garçons » qui est masculin, s’accorde en conséquence. Il suffit donc de mettre un peu d’ordre dans la phrase. Certains trouvent cette technique intéressante puisqu’on ne modifie pas les mots en soi. D’autres trouvent que la sonorité de la phrase change un peu trop, et que le résultat donne quelque chose de bizarre.

C’est dans les années 2010 que le débat est à son apogée. Des pétitions circulent au fil de la décennie pour ne plus enseigner la règle du « masculin l’emporte sur le féminin » et encourager l’accord de proximité. On retiendra qu’en 2011, la pétition nommée « Que les hommes et les femmes soient belles ! » a rassemblé plus de 5000 signatures.

Le langage épicène, un bon choix ?

Voilà peut-être LA variante qui pourrait mettre tout le monde d’accord : le langage épicène. L’objectif de ce langage est de rester neutre. Il désigne indifféremment le genre en français. C’est déjà le cas de certains noms qui peuvent être à la fois masculins et féminins : « un/une fleuriste », « un/une enfant », « un/une artiste », etc. Tout comme l’écriture inclusive, le langage épicène ne date pas d’hier. Bien qu’on en parle de plus en plus depuis les deux dernières décennies, il illustrait déjà des discours féministes dans les années 70.

Là où l’on va un peu plus loin, c’est quand on change volontairement certains mots à caractère masculin ou féminin, pour inclure les deux genres et ne pas prendre parti. Par exemple, on ne dira pas : « Ils sont arrivés à l’heure », pour ne pas accentuer le « ils » masculin. On dira : « Les gens sont arrivés à l’heure », qui devient dès lors, neutre.

Le pronom « iel »

Ce nouveau mot est un pronom qui n’existait pas il y a encore quelques années. Il a fait son entrée dans le dictionnaire le Petit Robert en novembre 2021 alors que le débat sur la parité dans la langue française grandissait. Il illustre très bien la langue épicène puisque son objectif est de rendre la phrase neutre. L’écriture inclusive quant à elle, cherche à distinguer les deux sexes. Le dictionnaire Le Robert qualifie d’ailleurs ce terme de « rare ». « Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier (iel) et du pluriel (iels), employé pour évoquer une personne quel que soit son genre ». Il donne l’exemple suivant : « Les stagiaires ont reçu les documents qu’iels doivent signer ».

Alors, la langue de Molière aurait-elle besoin d’un petit relooking pour refléter la société actuelle ? Qu’en pensez-vous ?

Pour aller plus loin

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