Il n’est pas toujours évident de savoir comment apprendre le japonais, ou toute autre langue. Des méthodes et conseils, il en existe à foison, mais ils ne suffisent pas à se projeter dans un apprentissage réel. Pour rendre ce parcours plus palpable, j’ai décidé de vous présenter mon expérience avec le japonais, avec ses succès et son lot d’échecs. Vous aurez ainsi l’occasion de mieux cerner la réalité d’un cheminement linguistique, pour passer plus facilement à l’action.

Expérience avec le japonais

Apprendre le japonais : de l’envie à la réalité

On ne vous le dira jamais assez : pour apprendre efficacement une langue, il faut fixer des objectifs concrets. Ils constituent en quelque sorte votre autoroute vers le succès. Sans eux, vous serez condamné à errer dans un labyrinthe, en restant incapable de prendre les bonnes décisions. C’est d’ailleurs ce qui m’est arrivé lors de ma première tentative avec le japonais, en classe de Terminale. Comme la plupart des adolescents de ma génération, j’avais développé un intérêt pour la culture japonaise, principalement au travers des jeux vidéo. Et contrairement à la plupart des adolescents de ma génération, je ne croyais pas qu’apprendre une langue seul était impossible.

Premier essai, premières leçons

Retournons de nombreuses années en arrière : empli d’enthousiasme par ce nouveau projet, je me procure un manuel dans le commerce, avec quelques autres ressources glanées dans des magazines ou encore sur Internet, alors bien pauvre en contenu. Première étape : je me lance dans l’apprentissage de l’écriture japonaise, complètement différente de notre alphabet latin. Tout d’abord, les deux syllabaires : hiragana et katakana, passage obligé pour commencer à lire et écrire en japonais. Puis viennent mes premiers kanjis, ces caractères mystérieux empruntés au chinois.

Malheureusement, très isolé, ne sachant pas apprendre une langue par moi-même, je commence à me démotiver au bout de quelques semaines. Autre écueil, dont je n’avais pas conscience à l’époque : mon étude est basée presque exclusivement sur l’écrit et néglige la prononciation du japonais. Grave erreur : elle comporte ses subtilités, avec ses consonnes simples et doubles, ses voyelles courtes et longues, son accent de hauteur et ses sons qui n’existent pas en français.

Au bout de quelques mois, je dois me rendre à l’évidence : ma première expérience avec le japonais est un échec. Faute d’objectifs bien définis et de bonnes méthodes de travail, je finis par jeter l’éponge. Les années suivantes me fourniront de toute manière une dose satisfaisantes de langues, avec des études d’allemand et de finnois.

La motivation ne suffit pas

Le japonais recroise ma route cinq ans plus tard. Fort de mon cursus en langues, je décide de retenter l’aventure. Je change de méthode et me remets à l’œuvre. Au début, ma motivation est au beau fixe : j’ai vraiment envie de réussir. Mais elle ne résiste pas à plusieurs mois d’auto-apprentissage décousu. Au bout du compte, nouvel abandon, nouvel échec.

Apprendre une langue, ça s’apprend

Cette deuxième tentative avait tout pour réussir : j’avais de l’expérience avec les langues, mon apprentissage était plus équilibré, avec davantage d’accent mis sur l’oral. Rétrospectivement, il me manquait un ingrédient essentiel : la capacité à apprendre seul. Une approche d’autodidacte est radicalement différente d’un cursus à l’école ou à l’université. Il faut tout faire par soi-même, sans aide, avec un haut degré d’autonomie. Que j’étais alors loin de posséder. Durant la même période, une autre langue fut d’ailleurs victime de mon inexpérience : le russe.

Avec du recul, cette deuxième expérience avec le japonais reste moins désastreuse que la précédente : elle m’a au moins laissé quelques mots et phrases me permettant de tenir une conversation très basique. C’est déjà ça de pris, dirons-nous.

Carpes japonaises décoration

Cette fois, c’est la bonne

Faisons un nouveau bond de cinq ans dans le temps. J’ai enfin réussi à mener à bien un apprentissage solitaire : celui de l’italien. L’application mobile de MosaLingua m’a d’ailleurs rendu d’immenses services dans cette entreprise. Je me risque donc à renouer avec ce vieil amour qu’est le japonais. Après tout, comme le dit le vieil adage, jamais deux sans trois !

Cet ultime essai me donne l’occasion de corriger mes erreurs passées : meilleur choix de ressources, équilibre entre écrit et oral, outils de qualité (principalement Anki et Memrise, MosaLingua japonais n’existant pas encore) et surtout des correspondants pour rompre mon isolement. Cette fois, j’ai toutes les cartes en main.

Une décennie plus tard, je n’ai jamais laissé tomber le japonais. J’ai désormais un bon niveau, qui me permet de m’immerger dans cette langue et de communiquer sans trop de difficultés avec des Japonais.

La formule d’un auto-apprentissage réussi

De ce retour d’expérience avec le japonais, vous pouvez tirer un double enseignement : en réunissant les bonnes conditions (motivation, ressources, savoir-faire, entourage…), tout le monde peut apprendre une langue. Oui, même si elle est réputée « difficile », comme le japonais. De la même manière, tout le monde peut… échouer à apprendre une langue, par manque de connaissances et de préparation.

Si vous voulez apprendre le japonais en autodidacte, ou n’importe quelle autre langue du reste, sachez que ce n’est pas plus complexe (ou plus simple !) que dans le cadre d’un cours. Il suffit de préparer soigneusement votre projet en amont et de rectifier le tir si les choses ne se passent pas comme prévu.

Mon expérience avec le japonais, à la loupe

Maintenant que nous avons vu comment je suis passé d’un double échec à un apprentissage fonctionnel, penchons-nous sur la façon dont je m’y suis pris lors de ce troisième essai.

La base : kanji et kana

Il n’existe pas de méthode miracle pour acquérir ces caractères : beaucoup de lecture et un peu d’écriture. Certes, ils sont nombreux (46 pour chaque syllabaire), mais à force de pratique, on finit par les dompter. J’ai aussi veillé à bien écouter tous les sons du japonais : autant connaître d’emblée la prononciation exacte de chacun des caractères qui composent ces syllabaires.

Les kanjis, un apprentissage au long cours

Concernant les kanjis, la sentence est la même : il faut laisser du temps au temps. Gardez à l’esprit qu’il en existe plus de 2 000 dans la liste officielle des jōyō kanji : n’espérez donc pas les boucler en l’espace d’un week-end ! Pour mes premiers pas, le livre Les kanjis dans la tête d’Yves Maniette m’a été d’une aide précieuse. Longtemps resté épuisé, il est désormais facilement trouvable dans une version rééditée.

Une fois les kanjis de base maîtrisés, il est important de les apprendre en contexte, à l’intérieur de mots. De cette manière, il est plus facile de retenir leurs différentes prononciations (aussi appelées « lectures »). L’approche « scolaire », consistant à tout apprendre par cœur, est rébarbative au possible. Mieux vaut donc la laisser de côté jusqu’au moment où vous apprendrez des kanjis très avancés.

La prononciation : à ne surtout pas négliger

Comme nous l’avons vu plus haut, la prononciation du japonais ne doit pas être balayée d’un revers de la main. Etudiez soigneusement les sons nouveaux, pratiquez des exercices à voix haute (comme le shadowing) et faites attention à l’intonation des mots, qui est d’ailleurs souvent indiquée dans les dictionnaires. Exercez-vous auprès de vos correspondants japonais ou de votre professeur et vérifiez que vous êtes facilement compréhensible.

Les ressources à utiliser

Vous pouvez placer une méthode de japonais au cœur de votre apprentissage quotidien. J’en ai testé plusieurs : Banzaï !, Assimil, Minna no Nihongo et Pimsleur. Il n’existe pas forcément une méthode idéale, chacune ayant ses points forts et faibles. N’hésitez donc pas à les feuilleter avant d’arrêter votre décision sur l’une d’entre elles. Pour ma part, j’ai uniquement terminé Assimil et Minna no Nihongo, puis j’ai utilisé Pimsleur, pour gagner des automatismes à l’oral en vue de mon premier voyage au Japon, en 2018.

Pour le reste, vous avez l’embarras du choix : les manga et les anime, bien sûr, mais aussi les vidéos, les podcasts, la radio, les livres en japonais… En pratiquant l’immersion avec ces ressources, vous finirez par atteindre un niveau solide.

Les outils pour apprendre votre vocabulaire

La mémorisation du vocabulaire est l’une des tâches les plus exigeantes dans l’apprentissage d’une langue. C’est là qu’entre en scène la répétition espacée. Ce système vous permet de réviser le vocabulaire dont vous avez besoin, au moment le plus opportun. Je l’emploie depuis plus d’une décennie pour les mots, les kanji et même la grammaire du japonais.

De manière générale, vous pouvez utiliser Anki, un outil aussi puissant que flexible. MosaLingua japonais, avec sa base de vocabulaire et la possibilité d’ajouter de nouveaux mots vus sur Internet, constitue depuis quelques années un excellent candidat.

Paysage japonais de nuit

La pièce du puzzle qui vous manque peut-être

Abordons un dernier point : l’aspect humain de votre apprentissage. Apprivoiser une langue, ce n’est pas seulement ingurgiter une somme d’informations. Le fait d’avoir rencontré très tôt des locuteurs natifs et d’être parti trois fois au Japon m’a permis de découvrir ce pays auprès de ses habitants. Mieux : je n’aurais jamais autant profité de ces séjours si je n’avais pas parlé japonais, surtout dans un pays où l’anglais est rarement maîtrisé. Tout d’abord pour des raisons pratiques : il est tout de même plus facile de trouver des informations dans la langue locale. Mais aussi parce que ma connaissance du japonais m’a offert l’occasion d’avoir des discussions passionnantes, à côté desquelles j’aurais pu complètement passer.

Vivez votre apprentissage

Lorsqu’on évoque l’apprentissage d’une langue, on a trop souvent tendance à le réduire à une suite de termes techniques : répétition espacée, loi de Pareto… S’il est normal de rechercher l’efficacité, cette quête peut vous faire passer à côté de l’essentiel : vous faire plaisir. Immergez-vous dans la langue. Allez la pratiquer avec ses locuteurs natifs, même si votre maîtrise est imparfaite. C’est en forgeant qu’on devient forgeron et, surtout, en le faisant avec enthousiasme. Je n’aurais jamais réussi à tenir sur la durée si je n’avais pas une affection immodérée pour la langue et la culture japonaises. Alors trouvez votre source de motivation, pour ne plus jamais laisser tomber.

Chaque histoire est unique

Si vous ne deviez retenir qu’une seule chose de mon expérience avec le japonais, c’est qu’elle est terriblement banale : des échecs, des réussites, des plateaux interminables suivis de percées fulgurantes… Bref, le lot de tout apprenant. D’un autre côté, elle est unique : même en essayant de toutes vos forces, vous pourriez difficilement l’imiter en détail. Inversement, jamais je ne pourrai exactement de la même manière que vous.

Tracez votre route avec les langues

Vous pouvez donc envisager votre apprentissage comme un voyage. Sur votre route, vous rencontrerez des obstacles (démotivation, plateaux et points qui vous résistent…), des outils précieux (vos ressources, logiciels et applications) et des alliés (enseignants, correspondants et amis plus avancés que vous). En voyant les choses ainsi, vous transformerez votre étude en une composante naturelle de votre vie.

Si vous n’avez pas encore débuté votre périple, il ne vous reste plus qu’à le faire. Pour citer un proverbe japonais, 千里の道も一歩から (senri no michi mo ippo kara), « un voyage de mille lieues commence par un premier pas ».

Pour finir, si vous souhaitez suivre l’évolution de mon expérience avec le japonais et pourquoi pas vous initier à la langue, vous pouvez me retrouver sur Ganbare, le site pour apprendre le japonais.