Question étonnante me direz-vous. Mais vous commencez sans doute à connaître notre passion pour les études sur le cerveau, et l’apprentissage des langues. Alors bien sûr, cette question ne se pose pas là, tout bêtement, comme un cheveu sur la soupe. Non. Une équipe de l’institut de recherche biomédicale de Barcelone et des chercheurs de l’Université Allemande de Otto Von Gericke ont récemment démontré que l’apprentissage d’une nouvelle langue étrangère activerait la même zone du cerveau que le sexe, manger du chocolat, boire de l’alcool ou croquer dans une fraise sucrée. L’étude a notamment été publiée dans Current Biology. On s’est penché sur la question pour essayer de trouver une explication. 

 

Amour et apprendre une langue

 

Apprendre une nouvelle langue ou faire l’amour : la même chose pour le cerveau ?

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L’expérience a été réalisée sur 36 adultes. Ils devaient d’un côté apprendre de nouveaux mots, et leur signification, et d’un autre, jouer à des jeux de hasard (argent à la clé !). Les résultats sont tombés : lors de la comparaison des IRM des cerveaux photographiés au cours des deux activités, les chercheurs se sont aperçus que la même zone du cerveau était active sur les deux IRM. Cette zone, c’est celle que l’on appelle striatum ventral, une structure nerveuse responsable des motivations sexuelles et alimentaires. C’est cette même zone qui s’active en effet lorsque nous mangeons du chocolat, ou du sucre en général, lors de relations sexuelles ou sans l’emprise de la drogue. Autrement dit, lors d’activités « plaisir » (attention, la consommation de drogue est dangereuse pour la santé).

 

Et oui, aussi étonnant que cela puisse paraître, le fait d’apprendre une langue nous procure du plaisir, c’est scientifiquement prouvé. Même si certains voient l’apprentissage d’une nouvelle langue comme un calvaire, même si certains ne ressentent aucun réel plaisir à apprendre de nouveaux mots…

 

Alors, c’est quoi le rapport ?

Scientifiquement prouvé, ok. Mais pourquoi ? Comment notre cerveau peut en arriver là ?

Selon cette même équipe de chercheurs, ce phénomène trouverait son origine au cours de l’enfance. En fait, lorsque nous apprenons une nouvelle langue, nous nous remémorons (ou plutôt, notre cerveau se remémore) nos premières années d’apprentissage du langage, lorsque nous étions encore enfants et en interaction émotionnelle positive avec nos parents. Ce souvenir, positif, serait le véritable déclencheur du striatum ventral.
Et petit plus, il semblerait aussi que le fait d’associer un souvenir, ou plutôt une émotion, à un mot faciliterait l’apprentissage de ce même mot. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les adultes ont une certaine facilité à apprendre une nouvelle langue : ils l’associent à une expérience passée, à un sentiment connu. Souvenez-vous, c’est ce que nous avions déjà nommé les compétences métacognitives.

Donc, non seulement l’apprentissage d’une langue nous permettrait un petit retour en arrière – souvenir et émotion positive en poche – mais ce retour en arrière faciliterait en plus l’apprentissage. Génial.
Cependant, permettez-moi de rester sceptique. Je ne remets pas en question l’explication de cette équipe de chercheurs, pour autant, je me demande bien ce qu’il en est des personnes qui n’ont malheureusement pas connu cette interaction émotionnelle positive avec leurs parents. Sont-ils voués à ne ressentir aucun plaisir lors de l’apprentissage d’une langue ? Après réflexion, mon explication est toute autre…

 

Et vous, c’est quoi votre plaisir motivation ?

faire-lamour-ou-apprendre-une-langue-meme-plaisir--mosalinguaSelon la même équipe, ce qui nous motive avant tout dans l’apprentissage d’une langue, c’est la communication interpersonnelle. Car pour communiquer, la langue est plutôt pratique. Alors si notre cerveau associe apprentissage d’une nouvelle langue et plaisir, ce serait aussi pour la joie que nous procure le fait de parler avec des gens. Ce qui n’est pas faux…

Pour autant, le mécanisme exact qui se cache derrière cette pulsion humaine à acquérir une nouvelle langue reste encore un mystère… Pas un mystère dans le sens où nous ne savons pas d’où cela provient mais plutôt dans le sens où cette pulsion peut provenir de beaucoup de choses. En clair, nous ne savons pas encore si cette pulsion à apprendre une nouvelle langue vient d’un seul mécanisme en particulier.

Parce que finalement, même si l’équipe de chercheurs nous dit que c’est parce que nous associons la langue à notre enfance, ou bien parce que nous aimons communiquer que nous ressentons du plaisir à apprendre, j’irais plus loin en disant que c’est aussi parce… je veux voyager, je veux séduire ce jeune suédois, je veux travailler en Argentine, etc. Le plaisir que nous associons à l’apprentissage d’une langue dépend fortement de notre objectif à apprendre cette langue. Quelqu’un qui rêve de faire le tour du Monde ne pourra empêcher son striatum ventral de se déclencher lorsqu’il apprendra une nouvelle langue pour voyager… puisque c’est son plaisir que de voyager. Un homme fou amoureux d’une tchèque ressentira forcément du plaisir à apprendre cette langue, puisqu’elle lui permettra peut-être d’atteindre son amour. Ou encore une femme qui rêve de partir travailler au Brésil ressentira forcément du plaisir à apprendre le portugais puisque cette langue lui permettra (peut-être) d’accomplir son rêve… Vous me suivez ?

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Alors oui, apprentissage de la langue et plaisir sont liés, scientifiquement parlant. Mais si nous devions vous dire pourquoi exactement, alors là, ce n’est malheureusement pas encore scientifiquement prouvé… mais de multiples raisons peuvent être évoquées.
Quelles sont les vôtres ?

 

Retrouver l’intégralité de l’étude citée : The Role of Reward in Word Learning and Its Implications for Language Acquisition, publiée October 23, 2014 https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(14)01207-X