Avez-vous déjà entendu un Canadien parler français québécois ? Si vous avez appris le français avec un professeur natif français, vous avez probablement eu l’impression d’entendre une langue complètement différente. Le Canada est un des nombreux pays francophones dans le monde et le français parlé au Québec risque de vous surprendre. C’est parti pour une escapade linguistique vers la Belle Province.

français québécois

La langue française au Québec

Selon L’Office Québécois de la Langue Française, une étude montre que 74,8 % des habitants du Québec ont le français comme langue maternelle. Aussi, 77,5 % de la population serait francophone. C’est-à-dire que selon cette étude, les personnes interrogées parlent plus souvent français à la maison que l’anglais ou qu’une autre langue.

Origines du français québécois

La présence du français au Québec remonte au début du XVIIe siècle, avec la fondation de Québec par Samuel de Champlain en 1608. La colonisation française a laissé une empreinte indélébile sur la région, contribuant à l’établissement d’une culture distincte qui persiste encore aujourd’hui. Même après la conquête britannique de 1763, le Québec est demeuré majoritairement francophone.

Protection et promotion de la langue

La protection de la langue française est une préoccupation constante au Québec. En 1977, la Charte de la langue française, également connue sous le nom de Loi 101, a été adoptée. Elle vise à faire du français la langue officielle du Québec, réglementant l’usage du français dans divers domaines, notamment l’éducation, le travail et les services gouvernementaux. L’objectif est de conserver le français dans un contexte où l’influence de l’anglais reste préoccupante notamment à cause de la mondialisation et des médias.

Accent et prononciation

Si vous lisez un texte écrit par un Québécois, vous ne verrez pas vraiment la différence avec le français de France. À part quelques mots de vocabulaire qui diffèrent par-ci par-là, la structure de la langue reste la même. En effet, la plus grande différence entre le français québécois et le français de France demeure en fait dans leur version parlée. Les Québécois ont un accent et une prononciation bien particulière. Voyez plutôt les caractéristiques de la langue orale qui suivent :

L’affrication

Lorsque les Québécois prononcent les consonnes /t/ et /d/ suivies d’un /i/ ou d’un /y/ (son « u »), on observe souvent un phénomène intéressant : c’est l’affrication. En effet, ils ont tendance à générer un léger son similaire à /s/ ou /z/ après les consonnes /t/ et /d/. Cela crée une sonorité particulière qui distingue la prononciation québécoise de celle du français de France.

C’est le cas du groupe « t » + « i ». Par exemple, le mot « tiens » peut être prononcé avec une sonorité proche de « tsiens ». Cette affrication se manifeste par une fusion rapide du « t » et du « i », créant une transition fluide entre les deux consonnes « t » et « s ». Le groupe « d » + « i » subit également une affrication. Par exemple, le mot « dire » ressemble à « dzire ».

Dans certaines régions du Québec, l’affrication peut également affecter le groupe « t » + « s ». Par exemple, le mot « tsé » (une contraction de « tu sais ») peut être prononcé avec une sonorité affriquée.

Les nasales

Les voyelles nasales sont des sons spécifiques que l’on produit en laissant l’air sortir par le nez tout en prononçant une voyelle. En français de France, il y a trois paires de voyelles nasales : « an » /ɑ̃/, « in » /ɛ̃/, et « on » /ɔ̃/. En français québécois, ces sons sont nettement plus marqués.

Au Québec, il existe d’ailleurs quatre nasales car les Québécois font une différence de prononciation entre « brin » et « brun ». Une distinction qui n’existe qu’auprès d’une minorité de Français. Regardez la vidéo de « Wandering French » sur la prononciation des voyelles nasales pour bien comprendre ces différences.

La prononciation du /a/

En français québécois, le son /a/ tel qu’il est prononcé en français standard existe également. Cependant, il en existe une autre version que les Français ne prononcent pas. Il s’agit d’un /a/ beaucoup plus grave, qui ressemble beaucoup au son /o/.

En France, le son /a/ se trouve dans des mots comme « pâte » ou « chat ». Il s’agit d’une voyelle ouverte, produite avec une ouverture modérée de la bouche. Pour mieux visualiser, imaginez-vous prononcer l’exclamation « ah ! » en prolongeant légèrement la voyelle. En français québécois, le son /a/ est une voyelle plus ouverte, produite vers l’arrière de la bouche. Pour avoir une idée, pensez au son anglais « a » dans « palm », mais prononcé plus ouvert.

Les diphtongues

La diphtongaison en français québécois est un phénomène linguistique où une voyelle simple se transforme presque en une combinaison de deux voyelles distinctes. Pour comprendre ce concept, prenons l’exemple de « porte ». En français de France, la voyelle « o » dans « porte » est prononcée comme une seule unité sonore, /ɔ/. Alors qu’en français québécois le « o » de « porte » subit une transformation qui le fait passer d’un son /ɔ/ à une combinaison de /ɒ/ suivi de /ə/. Cela donne une impression de deux voyelles distinctes, créant une sonorité comme « pɒərte. »

D’autres exemples : le mot « fête ». En français standard, on ne prononce qu’une seule voyelle : /fɛːt/. Alors qu’au Québec, on en prononce deux. Le « è » se transforme en « i » : /fæɪ̯t/. Tout comme le chiffre « cinq » (/sɛ̃k/) qui devient /sãẽ̯k/.

Pour des exemples en contexte, regardez la vidéo de « ma prof de français » sur « Pourquoi les Français sont incapables d’imiter l’accent québécois ? ».

Le saviez-vous ?

Les Québécois, contrairement aux Français, ont tendance à ajouter un « tu » en fin de phrase. L’usage du « tu » de cette manière est souvent associé à un langage plus décontracté et populaire.

Il sert à transformer une déclaration en question. Par exemple, « Tu veux » (You want) devient « Tu veux-tu ? » (Do you want?). Cela donne une tonalité interrogative et informelle à la phrase. Il peut également ajouter une nuance d’expressivité ou d’émotion à une phrase. Par exemple, « Il fait beau. » peut devenir « Il fait-tu beau ? » pour exprimer une sorte d’étonnement ou de satisfaction.

Vocabulaire en français québécois

La différence principale entre le français de France et le français québécois se trouve dans le vocabulaire. Certains mots sont restés français tel qu’il était parlé à l’époque de la colonisation du Québec par la France. Cela apporte donc une touche légèrement rétro au vocabulaire français au Québec.

D’un autre côté, l’héritage de la colonisation britannique a lui aussi laissé sa propre empreinte distinctive. C’est pourquoi on trouve beaucoup d’anglicismes, mais aussi quelques adaptations linguistiques liées à la langue anglaise. Le français québécois aime s’adapter et façonner sa propre langue… Découvrons ce mélange intéressant entre anglais et français qui définit la langue parlée au Québec aujourd’hui.

Influence du français sur le français québécois

Comme nous l’avons mentionné plus haut, certains mots sont un peu rétro en français québécois. On les appelle « archaïsmes » : des mots que les Français employaient lorsqu’ils se sont installés au Québec et qui n’ont pas évolué depuis le XVIIIe siècle, époque où la Province de Québec est passée sous le régime Britannique. En voici quelques exemples : « guenilles » pour « vêtements », « la brunante » pour « le crépuscule », « un char » pour « une voiture » ou encore « une patate » pour « pomme de terre ».

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On trouve aussi certains mots identiques en France et au Québec qui n’ont pourtant pas le même sens. Attention aux quiproquos ! « Une liqueur » au Québec est une boisson gazeuse en France. « Le déjeuner » québécois est le petit-déjeuner des Français. « Un dépanneur » est une épicerie de quartier au Québec mais en France, il s’agit de la personne qui dépanne les véhicules.

français québécois

Influence de l’anglais sur le français québécois

En 2021, 51,7 % de la population du Québec déclare pouvoir soutenir une conversation en anglais. Cela signifie donc que la langue anglaise est très présente dans la province, bien que la langue officielle y soit le français. N’oublions pas non plus que le reste du Canada n’est pas francophone et qu’on y parle anglais. Cela a forcément des conséquences sur la langue française parlée au Québec.

Anglicismes

En effet, on retrouve l’influence de l’anglais sur le français québécois par la présence d’anglicismes. Vous entendrez souvent le mot « cute » pour « mignon », « lighter » pour « briquet », « anyway » pour « de toute façon » ou même « gang » pour « groupe d’amis ». Ce ne sont que quelques exemples parmi bien d’autres.

il est trop cute

Pourtant, les Québécois ont à coeur de préserver la langue française et n’hésitent pas à calquer l’anglais pour justement éviter les anglicismes.

Calques

Si vous passez par un fast-food par exemple, c’est au « service-au-volant » (drive-in) que vous commanderez votre « Menu Festin » (Happy Meal) et votre « Coke diète » (Coca light). On ne dit pas « weekend », on préfère « fin de semaine ». L’été, on porte du « mascara hydrofuge » (waterproof), on prend des « égoportraits » (pas des selfies) et on « tombe en amour » (fall in love).

Titres de films adaptés en français québécois

On retrouve d’ailleurs ces « francisations » dans les titres de films américains qui n’ont pas été traduits en France. Les Français trouvent d’ailleurs ces versions hillarantes. Connaissez-vous « Poulets en fuite » ? Il s’agit bien de « Chicken Run ». Vous avez sûrement vu « Film de Peur », autrement dit « Scary Movie », ou encore « Mon Fantôme d’Amour », qui n’est autre que Ghost. Je vous laisse deviner quels sont les équivalents de « Les Bagnoles » et « Folies de Graduations ». Retrouvez le top 50 de Topito sur les traductions québécoises de titres de film ici. Fous rires garantis !

Expressions en français québécois

Chaque langue a ses propres expressions idiomatiques, toutes plus créatives les unes que les autres. Le français ne fait pas exception à la règle. Vous avez d’ailleurs déjà découvert quelques expressions en lisant un de nos articles sur les expressions idiomatiques en français. Mais vous vous doutez bien que le français québécois a ses propres expressions (que même les Français de France ne comprennent pas). En voici quelques exemples :

Être habillé comme la chienne à Jacques

En France, on dirait : « être habillé comme l’as de pique ». C’est-à-dire, s’habiller n’importe comment. Nathan porte un short vert, des Crocs jaunes, un manteau long et une casquette. Il est habillé comme la chienne à Jacques !

comme la chienne à Jacques

Ça prend pas la tête à Papineau

Quelque chose est évident ou facile à comprendre. C’est un peu comme l’expression populaire française : « Il ne faut pas être sorti de Saint-Cyr… ». Mais enfin Jacques ! Ça prend pas la tête à Papineau de se rendre compte que sauter du toit en ski, c’est dangereux !

Tirer une bûche

Inviter quelqu’un à s’asseoir. Alice ! Le repas est servi ! Tire-toi une bûche et viens manger avec nous !

Tire-toi une bûche

Avoir les mains pleines de pouces

Avec un peu d’imagination, on peut visualiser la situation et comprendre que cela signifie « être maladroit ». L’équivalent français est « avoir 2 mains gauches ». Rose a les mains pleines de pouces ! Elle a cassé 10 verres lors de son premier jour de travail comme serveuse.

Accrocher ses patins

Les Français diront « jeter l’éponge », ce qui signifie « abandonner ». Liam a dû accrocher ses patins lors de son tournoi d’échecs. Son adversaire était plus fort que lui.

jeter l'éponge

Être aux petits oiseaux

Cette expression veut dire « être heureux » ou « être aux anges » pour la version imagée en France. Olivia ne peut s’empêcher de sourire depuis qu’elle a réussi son examen. Elle est aux petits oiseaux.

Se faire brasser le Canadien

Quand on se fait brasser le Canadien, on se fait disputer. C’est la vesrion québécoise de « se prendre un savon ». Jacob s’est fait brasser le Canadien par ses parents quand il est rentré deux heures après son couvre-feu.

En résumé

Bien que le français de France et le français du Québec partagent une racine linguistique commune, les différences entre les deux variantes sont souvent bien plus qu’une simple question d’accent. Elles reflètent des réalités culturelles et des évolutions linguistiques. Le français québécois, riche de ses particularités lexicales, phonétiques et syntaxiques, témoigne de l’histoire et de l’identité du Québec. En bref, il est unique en son genre ! Sur ce, il ne nous reste plus qu’à vous dire « bonjour » ou « à la r’voyure », autrement dit « au revoir » en version québécoise.